Prédiction de l'évolution des concentrations d'azote dans les eaux de l'Adour en fonction des dépôts atmosphériques
L'objectif de cette étude est de développer une méthode permettant d'évaluer les charges critiques pour l'azote dans les cours d'eau. Les charges critiques sont les flux d'azote tolérables par les cours d'eau en dessous desquels des effets négatifs ne sont pas observés sur les structures et fonctions du milieu. Les charges critiques et leur dépassement sont des indicateurs d'impacts de polluants (soufre, azote, métaux lourds) sur les milieux terrestres ou aquatiques utilisés au niveau international. Il n'existe pas à l'heure actuelle de méthodologie adaptée au calcul des charges critiques pour l'effet eutrophisant de l'azote dans les eaux. La méthode développée ici pourra conduire à terme, à un outil unique permettant d'évaluer certains aspects du bon état écologique des eaux depuis la tête de bassin jusqu'à l'embouchure en prenant en compte à la fois l'eutrophisation des eaux douces et des eaux côtières et l'acidification des eaux douces (pour lesquelles une méthodologie de charges critiques existe déjà). Cet outil pourra donc être utilisé par les gestionnaires en charge de la mise en oeuvre de la Directive Cadre Eau. Dans l'approche charge critique, la charge est l'ensemble des apports de polluant au milieu considéré. Dans les modèles de qualité de l'eau les plus courants, les dépôts atmosphériques ne sont pas pris en compte spécifiquement. Une étape préliminaire au développement de l'outil de charge critique est de définir si les dépôts atmosphériques d'azote sont significatifs à l'échelle du bassin versant, et ce point est le premier objectif de ce travail. Il est utile de vérifier ce point à l'échelle de l'ensemble du bassin versant et à des échelles plus limitées, dans les têtes de bassin où les apports locaux sont faibles. Cette première étape a été réalisée à l'aide du modèle Pégase appliqué à un bassin versant test, celui de l'Adour. Pégase est un modèle hydro-biogéochimique utilisé par plusieurs Agences de l'Eau en France. Dans Pégase, les apports de polluants venus des sols sont évalués par des fonctions d'apports auxquelles sont associées des concentrations théoriques de lessivage. Celles-ci sont calibrées pour déterminer les concentrations de nitrate, de phosphore et de silice dans les cours d'eau en fonction des hydro-écorégions du bassin versant étudié. Ces calibrations sont basées sur des mesures de concentrations de nutriments dans les eaux. Elles sont recalibrées pour chaque application du modèle. Pour la présente étude, ces fonctions d'apports ont de plus été formulées de façon à être dépendantes des dépôts atmosphériques. Les dépôts atmosphériques utilisés ici ont été ceux issus des scénarios établis dans le cadre de la révision du Protocole de Göteborg relatif à la réduction de l'acidification, de l'eutrophisation et de l'ozone troposphérique. Le scénario NAT2000 illustre les dépôts calculés pour l'année 2000, NAT2020 et MFR 2020 sont deux projections de l'activité économique pour l'année 2020. NAT est le scénario de base selon lequel seule la législation en vigueur actuellement (2010) est mise en oeuvre alors que MFR décrit une situation où toutes les réductions techniquement faisables sont mises en oeuvre. NAT2020 et MFR2020 sont donc les deux scénarios délimitant l'espace de décision des parties prenantes : En suivant NAT2020, aucune nouvelle législation n'est mise en oeuvre alors qu'en suivant MFR2020 toutes les réductions techniquement réalisables sont considérées comme imposées et mises en oeuvre. Ces scénarios ont été établis à l'échelle de la zone économique européenne des Nations Unies (de l'Oural à l'Atlantique, de la Méditerranée à la Mer Arctique). Les résultats de la modélisation prenant en compte les dépôts atmosphériques suggèrent que : les variations de dépôts entre le scénario NAT2000 et le scénario MFR conduisent à de sensibles baisses de concentrations d'azote, de l'ordre de 25%, dans les zones forestières peu impactées par l'agriculture et les développements urbains ; à l'échelle du bassin de l'Adour cela conduirait à une différence de concentrations à l'embouchure de l'ordre de 10% entre NAT2000 et MFR 2020. Le second objectif de ce travail est de tester l'ICEP (indicator of coastal eutrophication potential) comme indicateur de dépassement de charge critique pour les zones estuariennes. L'ICEP a été calculé avec les données de sortie de Pégase pour les différents scénarios de dépôts. Cet indicateur donne une évaluation du risque d'eutrophisation des zones côtières à proximité des embouchures de fleuves. Il prend en compte les flux d'azote, de phosphore et de silice. Les calculs très préliminaires réalisés ici suggèrent des valeurs de l'ICEP azote indiquant que le risque d'eutrophisation de la zone côtière existe actuellement. Ce risque est légèrement diminué lorsque les dépôts atmosphériques diminuent mais ne disparait pas, même avec le scénario MFR 2020. Les résultats obtenus pour l'ICEP sont semblables à ceux cités dans la littérature. Ces résultats sont préliminaires. Ils sont basés sur diverses hypothèses, certaines conservatives (les transferts de nitrate dans les eaux sont directement proportionnels aux dépôts, aucun processus estuarien n'est pris en compte, la nuance entre azote organique et nitrate est négligée, l'apport par les eaux souterraines avec possible effet retard n'est pas pris en compte.). Ils démontrent néanmoins la faisabilité de l'approche et l'intérêt de prendre en compte les dépôts atmosphériques dans la gestion intégrée de l'eutrophisation et des nuisances qui y sont associées (blooms d'algues fluviaux, marées d'algues vertes en milieu littoral.) à l'échelle des bassins versants.
Auteurs du document :
LE GALL A.C., INERIS
Diffuseur des métadonnées :
Office français de la biodiversité
Mots clés :
AZOTE, EUTROPHISATION, MODELE, ALGUE, ADOUR, DIRECTIVE CADRE EUROPEENNE SUR L'EAU, HYDRO-BIOGEOCHIMIQUE, CHARGE POLLUANTE, COURS D'EAU
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