La daurade royale (Sparus aurata, L. 1758) est une espèce emblématique du littoral languedocien. C'est une espèce migratrice connue pour coloniser les lagunes côtières du printemps à l'automne, surtout au cours de sa première année de vie. La croissance de la daurade est plus importante dans les lagunes qu'en mer, et est différente d'une lagune à l'autre. Les lagunes sont soumises à une forte pression anthropique. Identifier les lagunes clés pour l'accomplissement du cycle de vie doit donc permettre de mieux gérer et protéger les populations de daurades du Golfe du Lion. Dans ce cadre, La microchimie de l'otolithe peut être un outil précieux. Au cours de sa croissance, l'otolithe incorpore des éléments chimiques prélevés dans le milieu extérieur (depuis l'eau ou la nourriture). Piégés dans le réseau cristallin, ils sont une image des conditions environnementales rencontrées par le poisson à une date donnée ce qui rend possible, en théorie, de reconstituer ses migrations par analyse microchimique des otolithes. Néanmoins, pour cela, il faut (i) connaître précisément la croissance du poisson et de ses otolithes et (ii) mettre en évidence des différences chimiques entre les zones clés du cycle de vie et, pour cela, identifier les outils statistiques et mathématiques appropriés pour la discrimination des habitats. Une fois ces éléments validés, ils ont été mis en oeuvre pour préciser l'importance des habitats côtiers dans le cycle de vie de la daurade royale. Ainsi, la comparaison objective de plusieurs modèles de croissance a montré que, pour la daurade du Golfe du Lion, la croissance des juvéniles était mieux décrite par le modèle de Tanaka alors que la croissance des adultes était modélisée par une inférence tenant compte de plusieurs modèles. Cette démarche, associée à l'analyse d'un spécimen exceptionnellement âgé a permis de remettre en cause les données classiquement acceptées sur la croissance de la Daurade. En complément, le schéma de croissance de la daurade et de ses otolithes a été établi. L'utilisation de la spectrométrie de masse à torche à plasma a permis de réaliser des mesures précises des concentrations en éléments chimiques et métaux-traces des otolithes prélevés sur des daurades provenant des différentes zones côtières du Golfe du Lion. La comparaison de quatre méthodes statistiques de discrimination a permis d'établir que les signatures chimiques des otolithes de poissons de différentes lagunes étaient optimalement différenciées par une méthode non paramétrique, le random forest. Ces avancées méthodologiques ont permis de confirmer le schéma global de migration de la daurade précédemment décrit (hiver en mer, du printemps à l'automne en lagune), tout en révélant une variabilité des comportements entre les individus et au cours de la vie du poisson. Les juvéniles semblent préférer les lagunes dessalées et peu profondes du type de l'étang de Mauguio, suggérant un rôle de nurserie pour ces habitats, alors que les adultes, connus pour migrer plutôt vers des lagunes profondes et marines du type de l'étang de Thau, utilisent également ces lagunes peu profondes. Ce comportement est ancien car il a pu être mis en évidence également sur un otolithe provenant du site archéologique de Lattes et datant de 475 av. J.C. Face à la menace des changements globaux, la protection de ces habitats nécessiterait donc le maintien de la diversité des caractéristiques des différentes lagunes, tout en continuant à améliorer la qualité des eaux, dans le cadre de la Directive Cadre Européenne sur l'eau.